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L’ETC encore loin de faire l’unanimité dans le monde du sport

Le joueur tente de dégager la rondelle derrière le filet.

Le joueur du Canadien de Montréal, Henri Richard, lors d'un match à Toronto le 15 mars 1972.

Photo : La Presse canadienne / ANDY CLARK

On apprenait la semaine dernière dans Le Journal de Montréal que l’ex-vedette du Canadien de Montréal Henri Richard souffrait d’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) après analyse de son cerveau. Voici donc l’occasion de faire le point sur cette maladie qui ne fait pas consensus. Certains doutent même de son existence.

On souhaiterait être rendus beaucoup plus loin qu'on l'est [dans la recherche]. Malheureusement, on avance à pas de tortue.

Une citation de Dave Ellemberg, neuropsychologue

Pour le moment, il n’y a aucune imagerie possible du cerveau vivant pour détecter la maladie. Tout se fait quand la personne est décédée, à l’autopsie. On essaie présentement de raffiner le diagnostic en étudiant les coupes du cerveau.

On tente aussi de déceler l’ETC chez les sujets vivants. En fait, il y a une course pour trouver des biomarqueurs vivants associés à l’ETC. Entretemps, des chercheurs ont développé d’autres moyens en se fiant notamment aux symptômes.

C’est comme une grille qui permet de quantifier les changements, que ce soit au niveau des comportements agressifs, des déficits cognitifs, au niveau des déficits moteurs, explique Dave Ellemberg. On va parler alors du syndrome de l'ETC.

Un homme, qui porte un chandail des Blackhawks de Chicago, lève les bras au centre de la glace.

Stan Mikita souffrait de l'ETC.

Photo : Getty Images / Jonathan Daniel

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Mais les critères publiés pour détecter le syndrome de l’ETC manquent de précisions et s’appliquent aussi à d’autres conditions médicales, souligne Veronik Sicard, chercheuse postdoctorale affiliée au Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario (CHEO).

Les symptômes ressemblent énormément à ceux que vivent les individus qui sont aux prises avec des douleurs chroniques, des migraines, de l'anxiété et de la dépression, affirme Mme Sicard.

L’ETC et ses causes

Encore faut-il savoir ce qui cause l’ETC. La question soulève les débats.

L’Institut national de la santé des États-Unis (NIH), la plus importante agence de recherche biomédicale au monde, a reconnu récemment un lien entre les coups à la tête et l’ETC.

L’agence dit en fait que les recherches à ce jour suggèrent que l’ETC est en partie causée par des coups répétés à la tête.

Un joueur des Blackhawks de Chicago dispute la rondelle à Evgeni Malkin des Penguins de Pittsburgh.

Steve Montador a reçu un diagnostic d'ETC.

Photo : The Associated Press / Brian Kersey

Cette observation rejoint aussi les conclusions des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) qui mentionnent, par ailleurs, d’autres facteurs possibles contribuant à l’ETC. Il est question de facteurs biologiques ou environnementaux, ainsi que du mode de vie.

Il y a d’importantes nuances à apporter, fait remarquer Veronik Sicard. Les coups répétés à la tête ne sont pas nécessairement des commotions. Il peut s'agir de petits coups qualifiés de sous-commotionnels.

Il est par ailleurs bien indiqué que l’ETC, selon les recherches, est causé en partie par ces coups, mais pas uniquement.

Le lien entre le fait d'avoir un historique de plusieurs commotions et d'avoir l'ETC n’a pas tout à fait été établi. [...] C’est un peu comme dire : "Ce n'est pas parce que tu as fumé que tu vas avoir le cancer du poumon." Mais c’est un facteur majeur.

Une citation de Veronik Sicard, chercheuse postdoctorale affiliée au CHEO

Débats animés

Ce lien de causalité a fait l’objet d’un débat musclé à la sixième Conférence internationale de consensus sur les commotions cérébrales dans le sport en octobre dernier à Amsterdam, un événement organisé par le Groupe sur les commotions dans le sport (CISG), dont font partie certaines instances sportives comme la FIFA, la Fédération internationale de l'automobile (FIA) et le Comité international olympique (CIO) qui émettent toujours des doutes sur les causes de l’ETC.

C’était un sujet assez contentieux, affirme William Archambault, titulaire d’un doctorat sur les commotions et professeur en pathophysiologie à l’Université McGill, qui était présent à cette conférence.

Selon lui, il y a, d'un côté, ceux qui croient au lien réel entre commotions et ETC, et qui affirment que des ligues sportives comme la NFL et la LNH mettent leurs joueurs à risque.

Ce mouvement est mené notamment par Chris Nowinski, ancien lutteur de la WWE devenu neuroscientifique, qui travaille avec un important groupe de recherche à Boston. Nowinski, qui dirige une fondation sur les commotions, s’est amené à la conférence d’Amsterdam avec un collègue muni d’affiches satiriques pour narguer les organisateurs.

Deux hommes tiennent des affiches.

Adam White et Chris Nowinski.

Photo : Twitter

Ces affiches montraient des médecins, tout sourire et cigarette à la main. On pouvait y lire : Appréciez les coups à la tête et Ne vous inquiétez pas de l’ETC! Il s'agissait de parodies des publicités de l’époque dans lesquelles des médecins faisaient la promotion de la cigarette.

Nowinski remettait même en question la légitimité de cette conférence organisée par l'industrie du sport sur les réseaux sociaux.

Et de l’autre côté du spectre, il y a ceux qui ne font pas de lien direct entre commotions et ETC puisque la théorie peut être inversée.

Il y a aussi plein d'athlètes, plein de sportifs, plein de personnes qui ont reçu plein de coups à la tête et qui n'ont pas eu l’ETC.

Une citation de William Archambault, titulaire d'un doctorat sur les commotions cérébrales

Cette conférence effectue une revue de la littérature des dernières années en vue de publier un nouveau consensus. Bien qu'on ne sache pas ce qu'il contiendra, les organisateurs de l’événement n’ont retenu aucune étude majeure portant sur l’ETC, et ce, parce qu'elles ne répondaient pas aux critères préétablis qui seraient trop restrictifs, selon Chris Nowinski.

L’ETC existe-t-il vraiment?

Certains scientifiques remettent aussi en question l’existence même de l’ETC. Le marqueur utilisé pour détecter la maladie dans le cerveau, la protéine Tau, pose notamment problème.

C’est une protéine qu'on retrouve aussi dans plusieurs types de maladies lorsque le cerveau est endommagé comme, par exemple, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer où on retrouve des dépôts de protéine Tau, explique Dave Ellemberg. Mais les gens du camp de l'ETC vont dire : "Oui, mais la distribution de cette protéine dans le cerveau est très différente [dans les cas de l’ETC]." Il y a aussi les symptômes [comme l’agressivité] qui sont bien différents.

Un hockeyeur reçoit un coup de poing.

Derek Boogaard souffrait de l'ETC.

Photo : The Canadian Press / Jimmy Jeong

D’autres scientifiques se demandent, par ailleurs, si on utilise le bon marqueur avec la protéine Tau pour détecter la maladie.

Ça se pourrait que ce soit le bon marqueur, lance William Archambault. Mais peut-être que ça en prend cinq marqueurs, pas juste un. Les gens ont regardé la protéine Tau parce que, dans le fond, la protéine Tau est très connue, car elle est associée à l'alzheimer.

Si tu vas à l'épicerie où il y a des pommes et des poires, c'est sûrement ça que tu vas acheter. Si tu ne sais pas qu’il y a d'autres fruits et légumes, tu ne penseras pas à chercher autre chose.

Une citation de William Archambult, tituaire d'un doctorat sur les commotions cérébrales

Tout comme Dave Ellemberg, William Archambault croit à l’existence de l’ETC. Selon lui, il y a véritablement quelque chose là, même si on peut s’obstiner pour trouver la bonne définition.

Est-ce qu'on devrait dire que c'est un sous-type de démence?, se demande Archambault. La démence fronto-temporale est un des types de démences qui apparaît plus jeune et qui est le plus associé aux coups à la tête. Est-ce que dans le fond, c’est juste un sous-type de ça? Peut-être.

Pour sa part, Dave Ellemberg évoque le jeune âge de certains joueurs où on a trouvé cette fameuse protéine Tau.

Il y a de jeunes athlètes de l'ordre de Derek Boogaard, qui avait 28 ans, avec clairement des dépôts de protéine Tau dans son cerveau. On ne se serait pas attendu à cela à son âge.

Un joueur de hockey, de profil, regarde vers le haut.

Bob Probert a passé 9 de ses 16 saisons au sein de la LNH à Détroit.

Photo : La Presse canadienne / Julian H. Gonzalez/Detroit Free Press/AP/Canadian Press

Et pour ceux qui affirment qu’il n’y a pas de lien de cause à effet clairement établi, que les études y vont par association, Ellemberg rétorque en citant la maladie d’Alzheimer.

Il y a beaucoup de choses qu'on pense connaître sur la maladie d'Alzheimer, mais qui reposent sur des études où on a seulement observé des associations.

On sait d’ailleurs qu'il existe un lien entre les coups à la tête et la maladie d’Alzheimer. En fait, les gens porteurs du gène ApoE4 sont déjà plus à risque de développer la maladie d’Alzheimer. Et ce que certaines études suggèrent, c’est que si vous combinez ce gène et les coups à la tête, le risque d’avoir la maladie d’Alzheimer augmente davantage.

La recherche, c’est long

Chose certaine, il reste encore plusieurs zones grises lorsqu'on parle de recherche sur l’ETC. Il faut d’abord attendre le décès des athlètes avant de pouvoir étudier leur cerveau, sans négliger ce qui peut s’être passé entre la retraite et leur décès. Puis, évidemment, il faut des cerveaux.

C'est vraiment sur une base volontaire que les gens donnent le cerveau de leurs proches, affirme Veronik Sicard. Ce n'est pas systématique, ce n’est pas prospectif.

On n'a pas les cerveaux de tous les gens qui meurent qui ont fait partie des sports professionnels. Donc, ça nous empêche de voir combien de gens sont vraiment affligés.

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