Indépendance d’Israël : Vancouver appelée à « ne pas s’illuminer pour la guerre »
L'hôtel de ville de Vancouver sera illuminé en blanc et bleu le 14 mai 2024. (Photo d'archive)
Photo : Radio-Canada / Annick R. Forest
Des groupes vancouvérois de soutien aux Palestiniens demandent à la Ville de Vancouver de revenir sur sa décision d’illuminer le pont Burrard et l'hôtel de ville aux couleurs d'Israël mardi, à l’occasion de la 76e journée d’indépendance de l’État hébreu.
Depuis 2021, la Ville illumine chaque année ces deux infrastructures emblématiques le 14 mai, pour l'occasion. Au moment où des attaques sont en cours à Rafah, la tenue de cette commémoration est dénoncée par un groupe de plus de 30 organisations locales, incluant Voix juives indépendantes Vancouver et Sea2Sky to Palestine.
Dans un communiqué, ils affirment avoir envoyé une lettre au maire de Vancouver et au conseil municipal pour demander son annulation. Illuminer l’hôtel de ville aux couleurs du drapeau israélien envoie le signal que la Ville endosse la souffrance des Palestiniens et les violations des lois internationales d'Israël
, indique Rebecca Haber, de l’organisme Voix juive indépendante, dans le document.
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La Ville illumine le pont Burrard et l'hôtel de ville à des moments clefs, tout au long de l’année, pour commémorer des événements importants et des occasions culturelles
, peut-on lire sur le site Internet de la Ville. Ces illuminations ont lieu à la demande de membres du public, d’organisations ou de bureaux consulaires, d’après la municipalité.
La Ville se réserve toutefois le droit de décliner les demandes de la part de pays où il existe de l’agitation et des conflits politiques
, indique-t-elle sur son site Internet.
C’est indéniable que la région fait face à de l’agitation et des conflits politiques qui sont incompatibles avec la tenue de ces lumières
, dénonce Rebecca Haber.
Aucun soutien aux politiques
Dans une déclaration, la Ville a maintenu sa décision d'aller de l’avant avec ces commémorations, après avoir examiné soigneusement
cette demande et déterminé qu’elle respectait le règlement municipal.
La décision d’illuminer [ces espaces] pour une fête nationale ou d’indépendance n’implique ni n’exprime de soutien aux politiques de ce pays
, a toutefois précisé la Ville.
Des garçons regardent la fumée qui se dégage des frappes israéliennes à l'est de Rafah.
Photo : Getty Images
Pour Rachad Antonius, professeur associé de sociologie à l’UQAM et spécialiste du Proche-Orient, cette affirmation ne tient pas la route
.
On n’illumine pas l'hôtel de ville à l’occasion de toutes les fêtes nationales des 150 [193] et quelques pays membres de l’ONU. On le fait pour certains pays, et quand on le fait, c'est un signe d’appui à la politique de ces pays.
Si des citoyens canadiens d’origine russe demandaient l'illumination de la ville pour la fête d’indépendance de la Russie, est-ce que la Ville l'accepterait?
Indécent
La Cour internationale de justice, la plus haute juridiction des Nations unies, examine en ce moment une plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide présumé à Gaza et qui demande de suspendre immédiatement les actions militaires.
L’examen pourrait prendre des années, mais une décision provisoire exige qu'Israël s'efforce de limiter les morts et les dégâts. Israël rejette l'accusation de génocide et a demandé à la Cour de rejeter les accusations.
Une fillette palestinienne en pleurs après un bombardement israélien dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Photo : Reuters / Mohammed Salem
Dans ce contexte international tendu, la décision de la Ville de Vancouver d'accepter de commémorer l’indépendance d'Israël a un caractère indécent
, selon Rachad Antonius.
Même son de cloche pour le spécialiste du Moyen-Orient à l’Université de la Colombie-Britannique, Hani Faris. Qu’est-ce qu’on célèbre au juste? Le génocide?
Est-ce qu’on a célébré la Nakba des Palestiniens de cette année-là, en 1948? Pourquoi pas? Si on veut être juste et équitable, on célèbre les deux et on demande la justice pour ceux qui ont été opprimés et qui ont subi un nettoyage ethnique
, dit-il.
Une journée de soutien aux communautés juives locales
Nico Slobinsky, vice-président pour la région Pacifique du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), se dit pour sa part reconnaissant que la Ville tienne cet événement. Ces journées de commémorations sont d’autant plus importantes dans le contexte de la guerre Israel-Hamas, selon lui.
Nous faisons face à des défis de sécurité depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre. [...] Il s’agit de prouver notre soutien aux communautés juives locales à Vancouver et prendre position contre la haine et l’antisémitisme.
C’est toujours le moment de montrer notre soutien à la démocratie, surtout quand cette démocratie mène une guerre défensive après une attaque terroriste
, ajoute Nico Slobinsky, en rejetant catégoriquement les allégations de génocide.
Discussions préalables préférables
Vu le contexte, Hani Faris aurait aimé voir la Ville faire preuve de prudence et entamer des discussions avec les différentes parties prenantes pour savoir si ces célébrations sont appropriées. La décision de tenir cet événement devrait être reconsidérée, selon lui.
Le 7 octobre, ça a été un crime de guerre. Mais ce qui s'est passé après cela, c’est un génocide
, allègue Hani Faris. Aucune violence ne devrait être acceptée dans aucune des parties prenantes, au Canada. On vit en harmonie, dans la compréhension, mais on fait partie d’un monde qui explose et on doit faire attention à ce que l’on fait.
La Ville de Vancouver dit être en train d'examiner les commentaires du public sur son programme d'illumination, sans commenter spécifiquement la demande de la coalition. Elle affirme qu'elle prendra ces avis en compte au fur et à mesure qu'elle révisera ses procédures dans le futur.