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La Cour suprême réitère le droit à un procès dans la langue officielle de son choix

La Cour suprême du Canada.

La décision de la Cour suprême pourrait avoir un impact important sur l’accès à la justice partout au pays.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

La Cour suprême du Canada a ordonné, vendredi, la tenue d'un nouveau procès en français pour un Britanno-Colombien accusé d'agression sexuelle. Ce faisant, elle réitère le droit qu’a un accusé d'avoir un procès dans la langue officielle de son choix et soutient que le fait de ne pas l'informer clairement de ce droit est un motif d'appel valable d'une décision de première instance.

Dans une décision rendue à la majorité (Nouvelle fenêtre), le juge en chef Richard Wagner souligne que l’article 530 du Code criminel impose au juge devant qui un accusé comparaît pour la première fois l’obligation de l’informer de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix et de prendre les moyens nécessaires pour y arriver.

Le juge Wagner confirme qu’un manquement à cette obligation d’information constitue une erreur permettant à une cour d’appel d’intervenir, même si cela n’a pas pour autant causé de préjudice à l’accusé.

Pour faire en sorte que l’accusé puisse choisir de manière libre et éclairée la langue dans laquelle il sera jugé, le juge doit veiller à ce que l’accusé soit avisé de son droit fondamental et des délais en régissant l’exercice, et s’il constate que l’accusé n’en a pas été correctement informé, ou encore s’il a le moindre doute à ce sujet, il doit prendre les moyens nécessaires pour que l’accusé en soit informé, affirme-t-il.

Le juge Wagner rappelle que l’article 530 prévoit des délais pour le dépôt d’une demande de procès d’un accusé dans la langue officielle de son choix et qu’une demande déposée à l’extérieur de ces délais peut être étudiée à la discrétion du juge. Il précise toutefois que le juge devrait présumer du bien-fondé de la demande.

Vu l’importance capitale des droits linguistiques au sein de la société canadienne, il existe en faveur de l’accusé une présomption selon laquelle il est dans l'intérêt de la justice d’accueillir sa demande [de procès dans la langue officielle de son choix].

Une citation de Richard Wagner, juge en chef de la Cour suprême du Canada, s'exprimant au nom de la majorité

La violation de ce droit fondamental constitue un préjudice important pour lequel la réparation convenable est généralement la tenue d’un nouveau procès, ajoute-t-il.

Dans le cas porté devant la Cour suprême, Frank Tayo Tompouba avait été condamné, en 2019, à une peine de 90 jours au terme d’un procès s’étant déroulé en anglais. Selon ses avocats, l'accusé n’aurait pas été avisé assez tôt de son droit à des procédures en français.

Lors de sa première comparution, l’accusé n’aurait pas été informé de ce droit.

En appel, le tribunal a reconnu qu’il y avait eu une erreur, mais a rejeté l’argument selon lequel les droits de M. Tayo Tompouba avaient été bafoués de façon substantielle. La Cour suprême s’était ensuite saisie du dossier.

Un tour de vis à la protection des droits linguistiques

L'avocat de M. Tayo Tompouba, Jonathan Laxer, se réjouit de cette décision, qu'il juge historique. Il estime que la Cour suprême a confirmé l'obligation pour les tribunaux de s'assurer que les accusés comprennent qu'ils ont le droit de demander un procès en anglais ou en français.

C'est une décision favorable à la protection des droits linguistiques au Canada dans toutes les affaires criminelles, a aussi déclaré Patrick Taillon (Nouvelle fenêtre), professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval.

Ça vient consolider la jurisprudence qui existait déjà depuis l'affaire Beaulac. Sans que ce soit un virage, je pense qu’il y a un petit tour de vis qui a été donné pour consolider la protection des droits linguistiques.

Dans un procès, la tentation pourrait être forte, surtout dans des endroits où la langue française est davantage en situation minoritaire, de poser un regard sur la situation et de dire : "Bien au fond, on le voit bien, il est capable de comprendre."

Une citation de Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel, Université Laval

On voit clairement dans les raisons exprimées par la majorité que c'est à l'individu personnellement de choisir. Ce n’est pas en fonction de sa capacité objective à comprendre l'anglais, il a le droit d'être informé de son droit à un procès en français , précise Patrick Taillon.

Il a le droit ensuite d'exercer ce choix et on ne peut pas présumer du choix qu'il aurait fait, ajoute le constitutionnaliste.

J'ai l'impression qu'on ramène les juges à l'ordre d'une certaine façon en disant : "Vous avez une obligation et si vous y manquez, c'est quand même grave, ça va être à vous de démontrer qu'il n’y a pas eu de préjudice plutôt qu'à l'accusé de démontrer un préjudice."

Une citation de Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel, Université Laval

Le droit de connaître ses droits ou le droit de les faire valoir?

S’exprimant au nom de la minorité, les juges Karakatsanis et Martin sont plutôt d’avis que la demande de l’accusé aurait dû être rejetée parce qu’il n’a pas démontré le fait qu’il n'a reçu aucun avis sur son droit de subir son procès dans la langue officielle de son choix.

Selon elles, l'article 530 vise à s'assurer que l'accusé est informé de ses droits linguistiques dans les délais prescrits, sans toutefois lui conférer de lui-même le droit à un procès dans la langue de son choix. Il ne confère à l’accusé rien de plus que la connaissance de son droit de choisir, soutiennent-elles.

Ainsi], si l’officier de justice omet lors de la première comparution de l’accusé de veiller à ce qu’il soit informé de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’accusé a été privé de son droit substantiel de choisir, précisent-elles.

Confirmation d’un droit linguistique

La cause de Frank Tayo Tompouba est la première cause d’importance sur le droit à subir un procès criminel dans la langue officielle de son choix 25 ans après l’arrêt Beaulac, considéré comme un tournant dans l’accès à la justice en langue minoritaire au pays.

En 1999, le Franco-Colombien Jean Victor Beaulac avait eu droit à un nouveau procès (Nouvelle fenêtre) après avoir été déclaré coupable de meurtre prémédité lors d’un procès qui s’était déroulé en anglais.

La Cour suprême avait statué que, même s’il parlait anglais, son droit à un procès dans la langue officielle de son choix avait été bafoué.

Depuis 2008, les accusés doivent obligatoirement être avisés de leur droit à un procès dans la langue officielle de leur choix dès leur première comparution.

Dans certaines provinces ou certains territoires, les juges de paix informent systématiquement les accusés de ce droit, mais certains juges l’oublient.

Un procès pour agression sexuelle

Les faits reprochés à Franck Yvan Tayo Tompouba remontent à décembre 2017.

Âgé de 22 ans à l’époque, le résident de Colombie-Britannique s’était rendu à Kamloops pour rencontrer une jeune femme qu’il avait rencontrée sur l’application Tinder.

Après une sortie en boîte de nuit, tous deux sont allés chez la plaignante, se sont embrassés et étreints avant d’aller se coucher.

Au milieu de la nuit, la plaignante s’est réveillée et s’est rendu compte qu’ils avaient eu une relation sexuelle à laquelle elle n’avait pas consenti.

Dans les jours qui ont suivi, elle a déposé une plainte pour agression sexuelle.

Avec des informations de Francis Plourde

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