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Forcer la réduction des déchets

Que ce soit en réduisant la fréquence de la collecte des ordures ou en tarifant les déchets produits au-delà d'un certain seuil, les municipalités veulent inciter leurs résidents à privilégier le compostage et le recyclage plutôt que l'enfouissement. Des changements qui font réagir, a constaté l'émission Ça nous regarde d'ICI Première.

Des sacs poubelles.

Sacs poubelles dans l'arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Des déchets jonchent le trottoir et le gazon : du papier, des sacs, des bouteilles.

Le fait de ne pas ramasser les déchets chaque semaine, on voit que les déchets partent au vent. C’est vraiment sale, déplore Louis Boucher, propriétaire d'immeubles résidentiels à Montréal.

L'espacement de la collecte des ordures, qui se fait maintenant toutes les deux semaines dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans l'est de Montréal, y est pour quelque chose, croit-il.

Ce sont de bonnes idées de fonctionnaires dans un bureau, mais ils ne vont pas sur le terrain, ces gens-là! Ils ne comprennent pas la réalité. Ils n’ont jamais eu d’immeubles, jamais géré des locataires ni géré des déchets.

Une citation de Louis Boucher, propriétaire d'immeubles résidentiels

Selon lui, la réduction de la fréquence de la collecte ne doit pas s’appliquer aux immeubles résidentiels.

Les locataires, il y en a qui arrivent, il y en a qui quittent. Ils ont aussi des colocataires. Il y a des familles, dont certaines avec des bébés, donc il y a des couches. Il y en a qui ont des chats, donc il y a de la litière, énumère-t-il.

Le propriétaire d'immeubles résidentiels, Louis Boucher, s'oppose à la collecte des ordures ménagères toutes les deux semaines.

Le propriétaire d'immeubles résidentiels Louis Boucher s'oppose à la collecte des ordures ménagères toutes les deux semaines.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Après un projet pilote dans certains quartiers de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, l’espacement de la collecte a été élargi à d’autres secteurs et couvrira l'ensemble de l'arrondissement cet automne.

Son entrée en vigueur récente cause encore de la confusion. Devant certains immeubles, des bacs de poubelles débordent et des sacs noirs éventrés restent pendant deux semaines sur le trottoir ou aux abords des ruelles.

Pour que la mesure fonctionne, il faut faire du compostage, soutient l’arrondissement, car près de la moitié du contenu du sac à ordures est composé de matières organiques.

Il est cependant hors de question pour Louis Boucher de tenter de nouveau l’expérience du compostage dans son immeuble de 20 logements.

On a eu des milliers de mouches, des milliers, partout. Mon concierge ne veut plus rien savoir. Les locataires non plus, insiste-t-il.

Des bacs à déchets et à compostage.

Des bacs à déchets et à compostage dans l'arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Forcer le changement

La Ville ne s’en cache pas : l'objectif de l'espacement de la collecte des ordures est de forcer le recyclage et surtout le compostage, dont les collectes sont maintenues de façon hebdomadaire.

À Montréal, le taux de participation à la collecte du compost n’est que de 35 %, alors que la Ville veut qu'il atteigne 60 % en 2025.

Si on n’amène pas une certaine contrainte, la participation n’est pas au rendez-vous.

Une citation de Marie-Andrée Mauger, responsable de l’Environnement à la Ville de Montréal
Marie-Andrée Mauger devant la mairie de l'arrondissement de Verdun.

Marie-Andrée Mauger est responsable de la transition écologique et de l'environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

En ce moment, une personne sur trois à Montréal participe à la collecte des matières organiques. Ce n'est pas suffisant quand on pense que la collecte n’est pas facultative, mais obligatoire, dit-elle.

Ces changements dans la gestion des matières résiduelles visent, entre autres, à répondre à la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, qui exige des municipalités qu'elles réduisent la quantité de déchets qu'elles produisent.

Il y a aussi la capacité limitée des dépotoirs actuels, entre autres celui de Terrebonne, où le Grand Montréal envoie la moitié de ses ordures.

On ne compte qu'un seul site d'enfouissement près de Montréal et on pensait qu’il serait à pleine capacité en 2029. L'an dernier, les gestionnaires du site ont dit que ce serait plutôt en 2027. Ça se remplit à vitesse grand V, s'inquiète Marie-Andrée Mauger.

Pour le moment, outre Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Saint-Laurent est le seul arrondissement à avoir espacé les collectes des ordures, en excluant les multilogements. D'autres arrondissements vont suivre dans les prochaines années.

C’est sûr que, dans les multilogements, on a un défi d’espace pour implanter le bac brun. Mais, dans la mesure où il n’y a pas plus de matière générée – elle est juste différente –, on peut diminuer ou réaménager l’espace dévolu aux déchets, suggère Mme Mauger.

L’arrondissement de Saint-Laurent a mis en place des conteneurs communautaires à l’extérieur des immeubles, ce que salue Louis Boucher.

Ça, c’est intéressant! S'il n'y a pas de place, pourquoi ne pas faire du compostage communautaire? Des bacs qui seraient placés dans un coin de parc, par exemple. Et ceux qui veulent en faire, ils amènent leur sac, propose-t-il.

Ce n’est toutefois pas une option que privilégie la Ville.

Ce qu’on voit dans le multiplex, c'est que plus il y a d'anonymat, plus c’est facile de ne pas participer, explique Marie-Andrée Mauger. Aussi, ce qu'on a vu avec les bacs à l'extérieur, c'est que ça attire les dépôts sauvages. Il y a des sacs non triés. Et on peut continuer comme si de rien n’était. Ce n'est pas le comportement recherché.

La tarification des déchets

D'autres villes, comme Gatineau, sont allées encore plus loin que l'espacement des collectes des ordures. Elles imposent une tarification pour les sacs de déchets supplémentaires. Une mesure qui relève de l’écofiscalité.

On y est allé de façon progressive, explique la directrice des matières résiduelles à la Ville de Gatineau, Chantal Marcotte.

Les changements dans la gestion des matières résiduelles ont commencé en 2010 avec le compostage et la réduction de la fréquence de la collecte des ordures dans le résidentiel.

Dans les multilogements, ça a été en 2018. Au même moment, on a réduit le nombre de collectes d'encombrants et c’est en 2019 que la tarification est arrivée dans les résidences seulement, relate-t-elle.

On a conservé la collecte aux deux semaines et on a réduit le volume de déchets. C'est maintenant une poubelle de 120 litres maximum et ceux qui auront des surplus devront payer.

Une citation de Chantal Marcotte, directrice des matières résiduelles à la Ville de Gatineau
Étiquette pour surplus d'ordures à la ville de Gatineau.

Étiquette pour surplus d'ordures à la ville de Gatineau.

Photo : Ville de Gatineau

Au début, les déchets supplémentaires devaient être contenus dans des sacs à l’effigie de la Ville vendus au coût de 50 cents chacun. Maintenant, les Gatinois doivent acheter des étiquettes à 2,15 $ chacune et les apposer sur leurs sacs-poubelle supplémentaires.

Le montant de 2,15 $ représente ce que ça coûte à la Ville pour gérer un sac avec les contrats actuels et le coût sera révisé en fonction des coûts réels, explique-t-elle.

La mise en place de toutes ces mesures n’a pas été toujours facile. Les élus ont été l’objet de critiques, il y a eu des plaintes et de la résistance.

On a vécu un tsunami en raison du changement de comportements. Pourtant, il n'y a pas eu tant de mécontentement. On a eu 450 requêtes lors de la réduction de la poubelle à 120 litres sur environ 140 000 portes dans une population d'environ 300 000, mais ceux qui étaient contre criaient fort, souligne Chantal Marcotte.

Gatineau a tout de même poursuivi ses objectifs et il y a eu des résultats : en 10 ans, le tonnage de déchets est passé de 60 000 à 45 000, une diminution de 25 %, a calculé la Ville.

Et ce n'est pas fini, prévient Mme Marcotte. D’autres mesures sont à venir dans les prochaines années, dont la tarification dans les multilogements en 2025.

Il va y avoir un autre petit tsunami, prévoit-elle, mais la Ville va accompagner les propriétaires. Une équipe peut même aller rencontrer les locataires.

Un bac placé près du trottoir pour la collecte des déchets.

Les nouveaux bacs pour ordures ménagères de Gatineau.

Photo : Radio-Canada / Jérémie Bergeron

Pas de nouveaux dépotoirs

Qu’est-ce qui justifie qu’on ait pensé aller jusque-là? Eh bien, c’est le problème majeur que l’on a avec les lieux d’enfouissement technique. Il y a de moins en moins d'espace pour en aménager de nouveaux et les coûts sont extraordinaires, avec chaque fois des levées de boucliers et des syndromes "pas dans ma cour", explique Marc Olivier, chimiste et professeur-chercheur au Centre de transfert technologique en écologie industrielle, situé à Sorel-Tracy.

L'aménagement d’un dépotoir est encore plus contesté que l’obligation de composter ou de recycler, dit-il. Les villes choisissent donc la deuxième option.

Par ailleurs, il n'est pas surprenant de constater qu'elles choisissent d'espacer la collecte des ordures, ajoute-t-il, en raison du principe de « kilométrage net zéro ».

Vous ne pouvez implanter une collecte [par exemple, le compostage] sans en diminuer une autre. Il faut que la somme de tous les kilométrages parcourus dans le mois par les camions soit la même. C'est une préoccupation d'acceptabilité sociale, car si vous mettez plus de collectes, les gens disent : "Il va y avoir trop de camions, la ville va être plus encombrée et plus bruyante", explique M. Olivier.

Il croit qu'il faut remercier les gens pour leurs efforts à composter ou à recycler.

Et c'est de créer de la valeur ajoutée régionalement, dit-il. D'avoir des installations industrielles locales qui permettent de créer de l'activité économique localement à partir des ordures que les citoyens ont triées. C'est ça, la façon de les remercier et de les récompenser pour les efforts qu'ils font depuis longtemps.

C’est d’ailleurs ce que fera la Ville de Montréal, assure Marie-Andrée Mauger.

En ce moment, on construit deux grandes infrastructures de traitement de la matière organique. À Saint-Laurent, on va faire un compost, soit un fertilisant de qualité agricole, et à Montréal-Est, ce sera un centre de traitement pour faire du gaz naturel renouvelable. Donc, on va traiter localement sur l'île de Montréal toutes nos matières organiques, affirme-t-elle.

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