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Le Saint-Laurent, une menace tranquille et mal documentée à Québec

Le fleuve Saint-Laurent vu de l'île d'Orléans.

Le fleuve Saint-Laurent vu de l'île d'Orléans. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / David Rémillard

Avalant des routes et grignotant petit à petit les rives dans l'est de la province, parfois même à grosses bouchées, le fleuve Saint-Laurent menace aussi dans la région de Québec. D'importantes « lacunes » de connaissances empêchent cependant « les décideurs d'obtenir une compréhension complète » du danger à venir, selon la Communauté métropolitaine de Québec, qui juge « impératif » de cartographier les zones vulnérables et d'évaluer le risque.

Des signaux d'alarme se manifestent déjà un peu partout sur le territoire.

Les préfets des MRC de La Côte-de-Beaupré et de L'Île-d'Orléans ont récemment partagé leurs inquiétudes sur l'érosion des berges, en amont du mini-sommet sur la résilience territoriale tenu lundi à Québec. On voit la différence à chaque année, l'évolution du fleuve et du comportement des eaux [...] Les terrains reculent graduellement, ont-ils dit, parlant d'une érosion visible à l'œil nu.

Des vagues se cassent sur un muret de béton, près d'habitations.

Le fleuve Saint-Laurent pose une menace pour certaines communautés riveraines. Image captée par un citoyen le 5 avril 2024 à Saint-Jean-de-l'Île-d'Orléans.

Photo : Gracieuseté : Jean-Pierre Riffon

Sur le flanc sud de l'île d'Orléans, exposé aux vents soutenus et aux vagues provenant de l'estuaire, des terrains entiers, des chalets et des résidences seraient vulnérables aux assauts du Saint-Laurent. On craint également que le couvert de glace, protection naturelle des rives durant l'hiver, ne se fasse de plus en plus rare.

Dans le quartier du Petit-Champlain, à Québec, des résidents sourcillent à chaque coup d'eau sur la rue Dalhousie et demandent aux autorités de mieux les protéger des fréquents débordements côtiers.

La situation est dangereuse. Ça prend un plan de protection beaucoup plus structuré, à mon avis, affirmait cet hiver Jocelyn Gilbert, administrateur du conseil de quartier Vieux-Québec–Cap-Blanc–Colline parlementaire.

Des voitures prises dans les eaux du fleuve Saint-Laurent à Québec.

Des voitures prises dans les eaux du fleuve Saint-Laurent à Québec

Photo : Radio-Canada

Lacunes de connaissances

La Commaunauté métropolitaine de Québec (CMQuébec) partage ces préoccupations et estime qu'il est temps de mieux comprendre ce qui attend les riverains dans un contexte de changements climatiques, surtout dans une région aussi urbanisée.

On sait qu'il va y avoir des modifications dans les conditions climatiques, probablement plus d'événements extrêmes, explique en entrevue Antoine Verville, directeur de la planification territoriale, de la mobilité durable et du développement social et économique à la CMQuébec. Il faut absolument mettre à jour nos connaissances.

L'approche ne s'inscrit pas dans la panique, précise-t-il, mais plutôt dans la prévention et l'adaptation. Les municipalités se doivent, pense-t-il, d'être plus résilientes par rapport à des événements climatiques qui pourraient réalistement se produire à l'avenir.

Les travaux antérieurs de la CMQuébec et ailleurs révèlent qu'un rehaussement du niveau du fleuve de 30 à 50 centimètres est attendu dans les 100 prochaines années. C'est une hypothèse ni catastrophiste ni optimiste. C'est ce qui sort de la science, selon Antoine Verville.

La CMQuébec veut dans un premier temps mieux comprendre la nature et la gravité des menaces auxquelles le territoire métropolitain est exposé. Elle espère obtenir un portrait précis des zones inondables, des zones de submersion côtière et d'érosion des berges. Ces menaces sont particulièrement préoccupantes, car le territoire métropolitain continue de voir émerger de nombreux projets de développement.

Une fois ces éléments identifiés, elle souhaite étudier certaines caractéristiques spécifiques [...] pour ensuite cibler les secteurs prioritaires et plus vulnérables. Des mesures d'adaptation seraient enfin évaluées afin de minimiser le risque pour la population et les infrastructures.

La falaise qui longe la rue Saint-Laurent à Lévis.

La ville de Lévis possède plusieurs infrastructures et abrite plusieurs résidences aux abords du fleuve. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

On peut imaginer que d'ici 100 ans, par exemple, une inondation qu'on voit déjà sur Dalhousie, dans les mêmes conditions météorologiques, pourrait être 30 centimètres plus élevée. Ça implique donc de connaître ces zones-là [plus vulnérables] et d'adapter le territoire pour qu'il soit plus résilient, souligne M. Verville.

Il y a énormément de travaux et d'études qui se font sur le Saint-Laurent. Mais dans le but vraiment de produire des cartes d'aménagement du territoire, effectivement, on le connaît assez peu.

Une citation de Antoine Verville, directeur de la planification territoriale, de la mobilité durable et du développement social et économique à la CMQuébec
Des voitures stationnées près du fleuve à moitié immergées dans l'eau.

Le 22 décembre 2022 a marqué les esprits à Québec, lorsqu'une grande tempête a frappé la région et l'est de la province. (Photo d'archives)

Photo : Steve Jolicoeur

Cas par cas

Comme pour les zones inondables, l'aménagement aux abords du fleuve se ferait, à la suite des travaux, selon le niveau de risque. Il y a des secteurs où l'adaptation va être plus difficile, anticipe la CMQuébec. La solution ne sera pas la même partout et chaque situation aura un spectre de solutions à évaluer.

Dans le cas du Petit-Champlain, qui fait partie du patrimoine mondial de l'UNESCO, on ne va pas déplacer tous ces gens-là, convient M. Verville. On va s'assurer qu'on soit plus résilient, favoriser plus facilement les évacuations d'eau, envisager des infrastructures pour retenir ou diriger l'eau à certains endroits. Dans ce cas-ci, on va vivre avec les débordements mais il faudra bien s'y préparer.

Dans d'autres cas, selon les villes et municipalités, des questions plus sérieuses pourraient se poser, comme partir ou vivre avec le risque. Voyant venir le coup, certains élus ont des craintes face à la démarche de la CMQuébec. La réceptivité est variable, admet Antoine Verville, mais tout le monde convient qu'il est nécessaire d'avoir la bonne information pour prendre les bonnes décisions.

Des effets un peu partout

Outre l'île d'Orléans et le Petit-Champlain, la CMQuébec évoque des préoccupations un peu partout sur le territoire métropolitain. M. Verville cite entre autres Lévis, où plusieurs infrastructures et projets se trouvent au bord du fleuve.

Il note aussi les zones d'embouchures de rivières se jetant dans le Saint-Laurent, d'est en ouest de la région métropolitaine, comme la rivière Sainte-Anne, sur la Côte-de-Beaupré.

Dans le cadre de son mandat de cartographie des bassins versants, la CMQuébec modélise les grandes rivières et, déjà, on s'intéresse à certains effets combinés, comme une crue printanière jumelée à une grande marée.

Des impacts liés à ces phénomènes se sont notamment manifestés à Baie-Saint-Paul, l'an dernier, quand la crue de la rivière du Gouffre s'est heurtée à une marée haute du fleuve Saint-Laurent, provoquant une forme de bouchon et contribuant à la hausse du niveau de la rivière à son embouchure.

Des rues et des maisons sont inondées dans un centre-ville traversé par une rivière sinueuse.

Le fleuve Saint-Laurent a agi comme un bouchon lors des inondations de Baie-Saint-Paul, l'an dernier, provoquant des débordements près de l'embouchure. (Photo d'archives)

Photo : Facebook/Frederick Tremblay

Deux ans de négociations

La CMQuébec négocie depuis plus de deux ans avec le gouvernement provincial afin d'obtenir le mandat, ainsi que le financement, de procéder à ces études. Une résolution en ce sens a été adoptée en 2021.

Or le fleuve Saint-Laurent n'a pas été mis au sommet des priorités dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches à l'heure actuelle.

Si Québec prépare des nouvelles cartes de zones inondables pour plusieurs rivières, le Saint-Laurent ne figure pas à la liste des cours d'eau confiée à la CMQuébec. C'est une question de priorités gouvernementales, affirme M. Verville, sans amertume. Soulignant une bonne collaboration du provincial dans ce dossier malgré les délais, il espère obtenir le feu vert pour s'attaquer au fleuve.

Les villes et les MRC travaillent actuellement avec des calculs de cotes de crue (0-20 ans, 0-100 ans) datant de plusieurs décennies, mais n'ont pas accès à des cartes de zone inondable pour le fleuve. La plupart de ces calculs ont été réalisés dans les années 80.

L'un des objectifs serait d'ailleurs d'aboutir, au terme de l'exercice, à des cartes de zones inondables dans la portion fluviale du territoire.

Le Québec prévoit dévoiler sous peu un nouveau cadre légal entourant les zones inondables. Ces nouveaux règlements pour l'aménagement du territoire sont attendus ce printemps.

Le maire de Québec et président de la CMQuébec, Bruno Marchand, a évoqué l'importance de cartographier le Saint-Laurent lors d'une annonce sur la résilience territoriale lundi.

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