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Construire de plus en plus petit pour attirer les acheteurs

Face à la flambée des prix de l’immobilier ces dernières années aux États-Unis, les constructeurs de maisons doivent redoubler d’efforts. Il leur faut souvent innover et opter pour plus petit : maisons en rangée, minimaisons, micromaisons. Mais les défis demeurent grands.

Ces maisons de 375 pieds carrés font face à des réglementations d'urbanisme contraignantes.

Ces maisons de 375 pieds carrés font face à des réglementations d'urbanisme contraignantes.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

En ce mercredi matin, par 28 °C, Mike Di Sabatino nous fait visiter une maison dans le nouveau développement Cadence, conçu par Century Communities, un géant de la construction domiciliaire aux États-Unis.

Celui qui a déménagé de Montréal il y a 26 ans pour s’établir à Las Vegas navigue comme agent immobilier dans un marché difficile. Il n’y a pas grand-chose pour le moment, il y a 21 000 agents pour un peu plus de 3000 logements à vendre.

Pour contrer la pénurie de maisons, les promoteurs comme Century Communities multiplient les chantiers de construction dans la grande région de Sin City (la ville du péché), comme on l’appelle ici.

Une pancarte du promoteur Century Communities.

Les nouveaux ensembles résidentiels font la part belle aux maisons en rangée sur de très petits terrains.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Comme à Henderson, où les coups de marteaux et les vrombissements de perceuses se font entendre entre deux passages d’avions, puisqu'on est près d'un aéroport au trafic incessant.

Au rez-de-chaussée, on a le salon, la salle à manger, le garage, et au deuxième étage, la salle de lavage et les trois chambres à coucher, décrit Mike Di Sabatino.

C’est très compact, un peu plus de 1400 pieds carrés répartis sur deux étages. Il s’agit d’une townhouse, une maison en rangée, un des types de maison les plus recherchés en ce moment aux États-Unis.

La raison pour laquelle c'est populaire, c'est que tout le monde ne peut pas se permettre d'acheter une maison qui est à 688 000 $ CA ici, explique M. Di Sabatino. On parle de plus de 3500 $ par mois, et ce n’est pas tout le monde qui a cet argent.

Portrait de Mike Di Sabatino.

Mike Di Sabatino, agent immobilier à Las Vegas, travaille dans un marché où la pénurie de logements est manifeste.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Des logements de plus en plus petits

Le logement que Mike Di Sabatino nous fait visiter est affiché à environ 450 000 $ CA.

Tiffany Hemly, qui s’occupe des ventes dans ce nouveau développement, confirme que la superficie des maisons est à la baisse sur le marché, parce que les terrains sont de plus en plus chers. Et pour trouver des prix encore raisonnables, il faut rapprocher les logements pour en mettre plus sur le même terrain, dit-elle.

Les taux d’intérêt élevés ainsi que les coûts et la disponibilité des matériaux ont mis beaucoup de pression sur les promoteurs pour arriver à des prix que les acheteurs sont encore capables de se permettre. Seulement 42 % des logements neufs et des maisons sur le marché sont dans les moyens d'un ménage moyen.

Les taux actuels sont parmi les plus bas depuis la Grande Dépression.

Un chantier de construction.

L'un des logements les plus en vogue aux États-Unis demeure la maison en rangée.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Robert Dietz, économiste principal à l’Association nationale des constructeurs, explique que le défi global consiste à construire des logements plus petits et plus abordables.

Dans les endroits où l'on a pu établir des zones de maisons en rangée, il y a eu beaucoup de succès, dit-il. En fait, au cours du quatrième trimestre 2023, 20 % des maisons individuelles construites étaient des maisons en rangée. Il s'agit de la part la plus élevée depuis des décennies et je pense que cette proportion va encore augmenter.

Ainsi, la superficie habitable moyenne des maisons, aux États-Unis, a encore chuté de 4 % par rapport à l’an dernier, elle est maintenant de 2179 pieds carrés – c’est la plus petite depuis 2010.

Un marché difficile pour les jeunes

Un peu plus de 2100 pieds carrés, c’est justement le gabarit de la maison en rangée sur trois étages qu’a achetée Nikki Cheshire dans le comté de Frederick, en Virginie.

Cette professionnelle en communications âgée de 29 ans a beaucoup cherché avant de trouver son logement pour finalement trouver une maison en rangée au prix de 558 000 $ CA, ce qui était sa limite. Elle a dû faire des compromis.

Dans mes rêves, je voulais une maison détachée avec un jardin clôturé pour mes chiens, un garage pour deux voitures, ce genre de choses, si possible dans ma fourchette de prix, dit-elle. La maison que j’ai achetée n'est peut-être pas tout ce que je veux en ce moment, mais ça va.

Elle s’est donc adaptée, surtout depuis que son conjoint a emménagé avec elle. Sa résidence n'a pas vraiment de salle à manger, ce qui lui convient, dans le fond, puisqu’elle n'a pas de table et qu’elle se sert de l’îlot de cuisine.

Nikki Cheshire joue avec ses chiens dans sa résidence.

Nikki Cheshire a acheté une maison en rangée dans le comté de Frederick, en Virginie.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Elle aime beaucoup sa maison, qui lui coûte quand même 3700 $ CA par mois.

J'aimerais que cette réalité soit accessible à un plus grand nombre de personnes. Oui, c'est vrai, les maisons sont de plus en plus petites, mais les prix ne baissent pas.

Une citation de Nikki Cheshire, jeune propriétaire

Robert Dietz, de l'Association nationale des constructeurs, dit avoir de la compassion pour ces jeunes premiers acheteurs. Ils doivent accumuler un acompte important et trouver un logement à acheter, et les attentes sont longues pour le marché de la revente et la construction neuve.

La pénurie de logements sur le marché immobilier est un vrai problème, puisqu’actuellement, il y a un déficit structurel à long terme en matière de logement, probablement d'environ 1,5 million de logements.

C’est dû à une décennie de sous-construction, elle-même due à un certain nombre de facteurs liés à la disponibilité des matériaux et à d'autres facteurs, comme le manque de main-d'œuvre, qui ont rendu difficile la construction de logements aux États-Unis, expose M. Dietz.

Des casitas pour résoudre la crise du logement?

L'intérieur d'une usine.

Une des usines du complexe de 400 000 pieds carrés de Boxabl.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

La solution à cette pénurie de logements et à cette recherche de maisons plus petites se trouve peut-être dans une méga-usine de 400 000 pieds carrés située dans un parc industriel de Las Vegas.

Boxabl y construit des casitas, des petites maisons préfabriquées à toit plat de 375 pieds carrés. Conçues sur la chaîne d’assemblage de l’usine, elles ont besoin, une fois livrées, d'une heure pour être dépliées avec une grue et installées sur les terrains des acheteurs.

Chaque casita est fournie avec la plomberie, l’électricité et même les électroménagers. Du clés-en-main à installer sur une chape de béton ou un autre type de fondation. Coût total : environ 82 000 $ CA.

Paolo Tiramani, directeur général de Boxabl.

Paolo Tiramani a fondé Boxabl dans le but de résoudre la crise du logement.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Paolo Tiramani, un investisseur multimillionnaire, est le fondateur de Baxabl et assure croire profondément en sa mission.

Notre objectif très ambitieux consiste à résoudre la crise mondiale du logement, lance-t-il. Ça semble insensé quand on le dit à voix haute, mais c'est le but.

Il a lancé Boxabl grâce à un financement équivalent à plus de 205 millions de dollars canadiens, recueillis parmi des investisseurs privés. Il s'attend à ce que son entreprise fondée en 2017 atteigne le seuil de rentabilité dans un avenir qu’il estime raisonnable, sans donner de date précise.

Notre correspondant Frédéric Arnould a visité une « casita » construite par l’entreprise américaine Boxabl.

Le succès est virtuellement au rendez-vous, puisque plus de 160 000 personnes se sont mises sur une liste d’attente pour une commande potentielle.

Elon Musk, le milliardaire propriétaire de Tesla et de Space X, a été l'un des premiers clients de Boxabl. Il a installé une des casitas au Texas.

Évidemment, 375 pieds carrés, ce n’est pas très grand, mais plusieurs casitas peuvent être assemblées pour donner un logement avec trois ou quatre chambres à coucher pour un prix somme toute plus raisonnable que ceux du marché actuel des habitations conventionnelles.

Un employé de Boxabl assiste à une démonstration d'installation.

En moins d'une heure, une casita est dépliée et installée sur un terrain, clés en main.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Des obstacles réglementaires

Mais il y a deux problèmes.

Le premier, c’est la lenteur de production de ces petites maisons. Il faut actuellement quatre heures pour en construire une. L'usine n'en produit donc que deux par jour.

Jusqu'ici, seulement 600 ont été produites. La production à grande échelle représente donc un défi important.

Le second problème est d’ordre bureaucratique, dit Paolo Tiramani.

Les certifications et les réglementations d’urbanisme ont été notre plus grand obstacle, notre plus grand défi, pour nous et pour nos clients. Et cela a été une surprise, pour nous, en tant que start-up.

Une citation de Paolo Tiramani, directeur général de Boxabl

Certains États et certaines villes ne facilitent l’installation de ce genre de maisons préfabriquées que dans des parcs de maisons mobiles.

Ce n'est pas intentionnel, c'est juste stupide, déplore Paolo Tiramani. Par exemple, nous avons des problèmes où nous devons laisser des roues sur nos petites casitas pour respecter les règlements. Mais je ne pense pas que les gens aient besoin de roues sur leurs maisons. Bien sûr, notre produit est très mobile, mais pourquoi acheter et garder les roues et voir les pneus se dégonfler pendant une vingtaine d'années?

Mike Di Sabatino pense que cette formule a un avenir limité, en tout cas à Las Vegas.

On n'a pas de place ici. Le problème, c'est qu'il faudrait qu'ils bâtissent un genre de parc de maisons mobiles. Mais on en a déjà qu’on essaie d’éliminer, explique l’agent immobilier. Il y a beaucoup de compagnies de construction qui essaient de négocier pour acheter ces complexes au complet pour les démolir et pour construire des maisons et des townhouses. Parce que c’est plus payant? Oui, répond-il sans hésiter.

Vivre dans des conteneurs

L'intérieur d'une micromaison.

Les conteneurs sont aménagés en micromaison.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

N’empêche, la recherche de solutions pour plus petit et plus abordable se poursuit quand même, dans des dimensions encore plus minimalistes.

Basée elle aussi à Las Vegas, l'entreprise Alternative Living Spaces offre des tiny houses, ou minimaisons, dans des conteneurs.

Son fondateur Tony Lopez conçoit des logements de 20 pieds sur 8 pieds, et assemble plusieurs conteneurs pour avoir une superficie plus grande avec une chambre séparée du reste, par exemple. Coût? De 20 000 $ CA à 136 000 $ CA pour un conteneur tout aménagé et luxueux.

Mais encore une fois, les obstacles sont nombreux.

Tony Lopez devant un des conteneurs transformé en micromaison.

Tony Lopez, fondateur d'Alternative Living Spaces, transforme des conteneurs en habitat minimaliste à Las Vegas.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

L'un des défis actuels avec les petites maisons, en général, c'est de savoir où je peux les mettre et comment je peux me les payer, parce qu’obtenir un financement peut être un défi, souligne Tony Lopez. Et l'autre obstacle est de trouver un endroit qui permette l'installation des petites maisons.

Il est possible de contourner les règlements d’urbanisme, par exemple en installant le conteneur sur une remorque, ce qui en fait techniquement un véhicule récréatif, sans contrainte de zonage.

Une pénurie persistante

Tous ces obstacles nous ramènent donc à l’immobilier plus conventionnel, comme les maisons en rangée qui, malgré tout, n’échappent pas non plus à des règlements de zonage parfois contre-productifs pour ceux qui veulent rendre le logement plus abordable.

Robert Dietz exhorte les autorités à faire preuve de plus de souplesse. Je pense qu'en fin de compte, à long terme, avec des assouplissements, nous parviendrons à nous sortir de ce déficit de logements. Mais ça prendra de cinq à sept ans.

Mike Di Sabatino dit faire confiance à l’efficacité américaine de la construction immobilière. Devant le chantier d’une autre phase du projet Cadence de Century Communities, qui va garnir la région de plusieurs dizaines de maisons en rangée, il se montre très optimiste quant à l’avenir de l’immobilier.

Un employé de la construction coupe du bois.

Aménager des conteneurs en minimaisons est en vogue, mais reste marginal.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Ici, ils sont rendus à la structure. La plomberie et l'électricité commencent à entrer, explique-t-il. De l’autre côté de la rue, c'est la fondation qui commence. Ça va leur prendre à peu près deux mois pour terminer ces maisons. Ils bâtissent assez vite ici : en six mois, c'est fait.

Dans le désert, aux abords de Las Vegas, marteaux et perceuses ont encore de beaux jours devant eux, au gré de cette pénurie. Il faut rattraper le temps perdu ces dernières années. Mais les acheteurs pourront-ils seulement se permettre ces maisons, avec leurs prix prohibitifs?

Pour l’instant, les promoteurs visent plus petit, car cela pourrait leur rapporter gros.

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